Comme nous le savons, le manque de motivation est un facteur important dans les difficultés académiques de nos enfants : ils ont le potentiel pour réussir mais ne sont pas motivés à investir les efforts nécessaires...
Dans le présent article, nous explorerons certaines notions de base pour comprendre le fonctionnement de la motivation. Puis nous verrons des stratégies pour en favoriser le développement.
Commençons par nous interroger sur les mécanismes et le fonctionnement de la motivation. Prenons un moment et observons nos enfants en portant attention à leur degré de motivation. Nous verrons que certains sont plus motivés et d’autres moins, que certains sont actifs et généralement énergiques alors que d’autres sont plutôt non motivés, apathiques, le pied généralement sur le frein, dirait-on…
Comment expliquer cette présence ou cette absence de motivation chez les différents enfants?
Regardons ensemble une explication souvent invoquée : « Certains enfants sont paresseux, tout simplement… Et d’autres non… C’est une question de force de volonté, de force de caractère. Certains en ont, d’autres en manquent… ».
Examinons de près cette hypothèse. Disons tout d’abord qu'il semble logique et de bon aloi de conclure à la présence de "paresse" chez ces enfants habituellement amorphes. De plus, presque tout le monde partage l’idée que les paresseux existent… La "paresse" fait même partie des sept péchés capitaux de la Bible. C'est dire depuis combien de temps ce concept circule.
Mais qu’en est-il en fait ? Que nous en dit la réalité?
Le fait d’« être » d’une certaine manière implique la stabilité de cet état. Autrement dit : « Quand on est, on reste ». Par cette formule lapidaire, je souligne un aspect de la réalité, à savoir que notre "nature propre" ne varie pas selon les circonstances. Ainsi, vous êtes un homme, une femme, vous le resterez et sans une seconde d'interruption. De la même manière, vous êtes un être humain faillible et vous le resterez, notons-le encore, sans un seul moment de répit, tout au long de votre vie... De la même manière, un renard reste un renard et une poule, une poule.
Voyons donc si quelqu’un peut vraiment être paresseux. Selon ce que nous venons de voir, si ce quelqu'un était paresseux, il serait logique de s'attendre à ce qu'il le soit constamment, comme il est constamment un humain…
Prenons un exemple concret, un petit scénario fictif qui mettra en lumière le fonctionnement de la motivation. Voici mon fils de 12 ans qui me dit qu’il est paresseux pour faire son heure de devoirs. En l’accueillant dans ce qu’il vit et de manière amicale, je lui demande s’il serait plus motivé si j’échangeais son travail contre une faveur, disons des sous… Incrédule, il esquisse un sourire, ses yeux s’animent et, futé, il me demande : « Combien ?… » Je réfléchis… « Si je te donnais… 5 cents ?… » Inutile de dire que son intérêt disparaît instantanément... Mais par contre, si je lui propose maintenant 50$ pour faire cette heure immédiatement. Ah… Tiens? Cette fois-ci, il est tout à fait d’accord et prêt à débuter!... Quel changement de motivation !
Voilà pour l’histoire. Tirons en maintenant les enseignements. (Cet exemple vise uniquement à bien démontrer le fonctionnement de la motivation. Il ne s’agit pas d’un conseil pratique à appliquer comme tel.)
Que s’est-il passé qui expliquerait le changement marqué de motivation de mon fils? Est-il réaliste de dire que tout à l’heure il était paresseux et que maintenant il ne l’est plus? La logique contredit cette hypothèse : s’il était ainsi fait, il le serait en tout temps, comme il est en tout temps un garçon, un blanc, un être humain… Même avec un million sur la table, même s’il le désirait, il ne pourrait changer la couleur de sa peau ou devenir une fille, un asiatique ou un écureuil... De la même manière s’il était paresseux, il le serait toujours et en toutes circonstances : pour aller jouer, pour déballer ses cadeaux de fête, pour aller au parc d’attraction, etc. Et l’on pourrait dire sans se tromper : “Paresseux un jour, paresseux toujours!...” Heureusement tel n’est pas le cas!
Pour revenir à notre exemple, il est plus réaliste de comprendre qu’en fait, c’est la vision de son avantage qui a fait qu’il s’est lui-même motivé et qu’il a désiré faire ses devoirs.
Et il en est toujours ainsi. C’est comme si nous avions dans la tête une petite balance grâce à laquelle nous évaluons chacune des actions que nous pouvons faire, selon les avantages et les inconvénients que nous croyons que cette action nous apportera. Nous mettons d’un côté les « plus » et de l’autre les « moins ».
Et plus l’action nous apparaîtra comme porteuse d’avantages, plus nous désirerons la faire, plus nous serons motivés à poser ce geste. Par contre, plus l’action nous apparaîtra comme porteuse d’inconvénients, plus nous serons non motivés à la faire (et éventuellement motivés à ne pas la faire).
Ainsi, si l’on vous proposait un poste semblable à celui que vous occupez actuellement mais pour un dixième de votre salaire actuel, vous refuseriez. Mais ce n’est pas parce que vous êtes paresseux(se), c’est que vous n’avez pas perdu la boule encore!… Ou, pour le dire sérieusement, c’est que votre balance des avantages et des inconvénients pencherait du côté des “moins”.
Il ressort de cette réflexion que ni nous ni nos élèves ne sommes “paresseux” ou “courageux”... C’est en fait la vision de nos avantages qui est le ressort faisant se déclencher notre motivation-désir puis notre action. Plus nous voyons d’avantages et plus nous sommes motivés.
Sous ses apparences réalistes et anodines, le concept de "paresse liée au tempérament de la personne" est en fait basé sur une distorsion cognitive. Le concept de paresse propose une vision dévalorisante et culpabilisante de la personne et débouche en bout de ligne sur des modes d'intervention et de communication contre-productifs. En effet, puisque l’enfant est supposé être paresseux de nature, nous ne tenterons pas de procéder avec lui à la clarification et à l’évaluation des « plus » et des « moins » liés aux différentes actions possibles.
Mieux vaudra remplacer le concept de “courage et force de caractère” par celui de “motivation basée sur la vision des avantages”... Ceci nous donnera de meilleures pistes pour intervenir plus constructivement et justement favoriser cette motivation...
En conclusion, une façon fructueuse d’amener nos enfants à se motiver eux-mêmes face à une tâche sera 1) d’accepter sans les blâmer qu’il est compréhensible et normal de ne pas être motivés quand ils ne voient pas assez d’avantages, 2) de normaliser leur situation et 3) de les aider (sans faire la morale…) à peser plus réalistement les « plus » et les « moins » au « carrefour des actions », de bien éclairer avec eux les « routes-actions » possibles et les « destinations » auxquelles les conduisent ces actions.
Cette démarche permettra à l’enfant de prendre une distance et de réévaluer plus judicieusement ses choix d’action.
Ainsi, à l’enfant qui traîne et repousse au soir un travail pour lequel du temps est donné en classe, je pourrai dire : « Je comprends que tu préfères rêver… C’est plus facile et plus agréable, immédiatement… (Petit moment de réflexion respectueuse…) Mais il me semble que ça va te coûter cher ce soir… Au lieu de regarder la télé, tu seras pris avec ce travail… Qu’est-ce que tu en penses ? ». Et si l’enfant s’obstine, reconnaître son droit légitime de prendre cette route et laisser venir naturellement les conséquences, qui seront l’occasion de faire réfléchir notre jeune héros et de lui faire acquérir une certaine maturité.
A l’enfant qui est « dans la lune », qui n’écoute pas ce que j’expose, je pourrai dire : « Je comprends que tu peux préférer prendre la route de penser à autre chose pendant que j’explique… Je ne te blâme vraiment pas… C’est tout à fait normal et correct de penser à des choses dans ta tête… (Moment de réflexion respectueuse…) Mais… C’est peut-être juste une question du moment où on le fait… Si tu n’écoutes pas, penses-tu que tu vas pouvoir connaître et à plus fort raison. retenir ce que j’ai expliqué?… Et tes devoirs, vont-ils être faciles et rapides ou longs et difficiles? Et ton test demain? Et tes notes vont-elles monter ou baisser?… Peut-être te faudra-t-il aller en récupération?… Tu serais déçu… Tes parents aussi… Finalement, par ce chemin, ça va devenir plus difficile, tu comprends?… Vois-tu pourquoi il est si important de rester attentif, surtout durant les explications? Ne pas écouter, c’est le meilleur moyen pour avoir le plus de difficultés et le moins de résultats. Écouter le professeur, c’est un peu plus forçant au début, mais c’est essentiel pour réussir ses études !… »
A l’enfant qui règle ses conflits avec ses poings : « C’est sûr que quand on a un conflit, on peut avoir le goût de frapper les autres… Je ne te veux pas te blâmer… (Moment de réflexion respectueuse…) …Mais c’est certain que dans cette direction, tu te prépares beaucoup de problèmes… Avec tes amis, avec les professeurs, les surveillants, la direction, éventuellement la police… Au lieu de passer à l’action en frappant, je pense que ça vaudrait la peine que tu passes à l'action en disant ce qui ne te convient pas et que tu cherches à trouver des solutions gagnant-gagnant… Qu’est-ce que tu en penses ? »
Comme vous le voyez, l’utilisation plus réaliste de la balance des avantages et des inconvénients est au centre du processus de motivation.
Pour arriver à de bons résultats, il est cependant impérieux d’avoir une méthode de communication non blâmante et au contraire « normalisante », faute de quoi l’enfant sera sur la défensive, occupé à se justifier et non à regarder clairement ses actions, à en ressentir lucidement les conséquences et échafauder des actions plus adaptées.
À ce sujet, je vous recommande la "Méthode du Bol et de la Perle" que j'expose dans les vidéos de la Médiathèque.
Merci et à bientôt !
Pierre Bovo,
Thérapeute d’approche Réaliste