La théorie de Danysh — et les données que j'ai recueillies de la part de nombreuses personnes souffrant de troubles émotifs à qui j'ai enseigné à utiliser cette technique — tend à appuyer le principe primordial de la thérapie émotivo-rationnelle, à savoir: fondamentalement, vous vous sentez comme vous pensez, et si vous changez énergiquement votre pensée biaisée et irrationnelle à propos de quelque chose qui ne va pas bien dans votre vie, vous changerez vos sentiments névrotiques envers ces choses d'une façon marquée et parfois spectaculaire.
Toujours dans l'idée de cette technique, après vous être mis en tête tous les termes objectifs et positifs possibles concernant la phrase "échec à aider mon fils dans sa névrose", vous pouvez faire la même chose, si vous le trouvez souhaitable, pour toutes les phrases qui vous amènent à vous bouleverser à propos de cet échec. Par exemple, vous pouvez prendre la phrase "névrose de mon fils" et vous forcer à voir que cela ne veut pas dire uniquement "horrible perturbation", ou "la pire chose pouvant arriver à un humain", ou "excessivement injuste et affreux", ou "ma faute sans aucun doute", mais peut aussi avoir plusieurs significations objectives, telles que "comportement accompagné de certains résultats négatifs", "actes fréquents chez les humains", "sentiments venant d'idées irrationnelles", et "comportement malheureux qui résulte de l'hérédité et des influences du milieu". Du côté positif, vous pouvez vous forcer à reconnaître que la "névrose de mon fils" a comporté certains avantages, tels que "caractéristiques individuelles que certaines personnes trouvent charmantes", "handicaps intéressants qui donneront à mon fils de quoi s'occuper toute sa vie", "tendance créatrice que mon fils - et moi - pourrons utiliser dans le but d'apprendre, de croître et de nous développer".
Une fois de plus, en persistant à vous rappeler plusieurs ou pratiquement toutes les définitions ou les significations du terme "névrose de mon fils", vous pourrez en venir à un point où vous ne serez à peu près jamais vraiment enthousiasmé de le voir avec de telles caractéristiques mais où vous accepterez au moins qu'il puisse les avoir et cesserez de trouver horrible ce genre de désavantage ou de handicap. De la même façon, vous pouvez prendre n'importe quel mot ou phrase auxquels vous croyez fermement et qui vous causent continuellement des troubles émotifs, ou vous incitent à vous comporter d'une manière auto-destructrice, et vous pouvez leur attribuer beaucoup d'autres significations, croyances ou attitudes que vous pouvez légitimement — et quelquefois beaucoup plus légitimement — attribuer à ce même mot ou à ces mêmes phrases. En vous imposant vigoureusement à plusieurs reprises de vous référer à des significations plus objectives et plus agréables face à ce terme ou à cette phrase, vous pourrez les voir éventuellement d'une manière plus réaliste et moins magique. D'une certaine façon, vous connaîtrez avec plus de précision le sens de ce mot ou de cette phrase; et vous en sentirez, d'une manière inconsciente et semi-automatique, la signification plus juste et moins auto-destructrice. A ce propos, n'oubliez pas que les mots et les phrases n'ont aucune signification "vraie", "absolue", ou "sacrée". Les mots signifient ce que nous voulons, ils ont le sens que nous leur donnons. Et nous avons toujours la capacité d'en changer le sens même quand nous utilisons les mêmes mots ou les mêmes phrases. La sémantique générale et la thérapie émotivo-rationnelle énoncent et enseignent toutes les deux cette optique. Si vous utilisez les principes de la sémantique générale, par le fait même vous devenez sensé et plus rationnel, c'est-à-dire plus apte à accepter la vie avec sa réalité. De même avec la thérapie émotivo-rationnelle!
La thérapie émotivo-rationnelle insiste sur les exercices de réflexion, d'émotion et d'action pour vous aider à changer vos tendances émotionnelles inefficaces et perturbées. Si vous vous sentez très déprimé ou abattu à propos du fait que vous avez tenté d'aider un "névrosé" et si vous désirez minimiser ou éliminer ce sentiment, vous pouvez imaginer divers exercices pour vous aider dans ce sens. Des exercices de réflexion pourraient inclure des techniques comme celle qui consiste à cesser de faire des catastrophes telles que je les ai expliquées dans ce chapitre. Des exercices d'émotion pourraient comprendre l'imagination émotivo-rationnelle.
Les exercices d'action pourraient inclure des activités comme : vous forcer délibérément à essayer d'aider un autre "névrosé", sans tenir compte de votre échec subi avec un ami intime que vous n'avez pas aidé; demeurer en contact avec un parent ou un ami "névrosé", au lieu de l'éviter complètement, de façon à pouvoir vous exercer à accepter le comportement perturbé de cette personne; accepter un emploi où vous vous rendez compte que votre patron ou votre superviseur vous traitera probablement d'une manière névrotique tout le temps que vous travaillerez avec lui ou elle; accepter un emploi de conseiller où vous devrez régulièrement avoir affaire à des personnes "névrosées"; affronter résolument une personne "névrosée" comme par exemple votre belle-mère perturbée plutôt que d'essayer d'éviter le problème et de ne pas laisser savoir que vous considérez son comportement comme peu approprié.
Vous pouvez aussi utiliser les principes de l'auto-contrôle pour vous aider à exécuter les exercices que vous vous imposez mais que vous n'exécutez pas véritablement. Ainsi, si vous décidez de continuer à travailler avec des névrosés, même si vous avez échoué récemment avec un ou plusieurs "névrosés", et que vous continuez à éviter de faire ce que vous aviez décidé, vous pouvez vous renforcer ou vous récompenser toutes les fois que vous ferez cet exercice et vous pénaliser énergiquement chaque fois que vous ne le faites pas. Bien entendu, vous pouvez aussi, en utilisant les principes émotivo-rationnels généraux, vous demander à vous-même, "Dans quel sens peut-il y avoir quelque chose de terrible à faire cet exercice?" et vous démontrer que vous ne pouvez faire la preuve que ce serait terrible ou horrible, mais simplement désagréable et malheureux, si vous faisiez l'exercice, et que probablement cela pourrait s'avérer encore plus désagréable si vous ne le faisiez pas.
En utilisant quelques-unes des techniques de la thérapie émotivo-rationnelle que je viens de décrire, aussi bien que celles décrites dans les livres intitulés A New Guide to Rational Living et Humanistic Psychotherapy: The Rational-Emotive Approach, et d'autres écrits, vous pouvez vous accepter vous-même sans réserve avec votre échec à aider n'importe quel "névrosé" que vous avez pu tenter d'aider. Vous pouvez cesser de vous dévaloriser, peu importe votre piètre performance et peu importe ce que les autres pourront penser de votre compétence. Vous pouvez finalement, si vous le faites souvent et avec suffisamment de vigueur, en venir à un point où d'une façon automatique et spontanée vous aimerez ou détesterez ce que vous faites, sans pour autant vous aimer ou vous détester vous-même de l'avoir fait.
Si vous le faites, vous vous sentirez plus apte que jamais à aider les "névrosés" et cela leur servira, en fait, d'excellent modèle. Une fois de plus, la névrose découle en grande partie de la manie de se créer des obligations, du fait que l'individu qui souffre de troubles émotifs croit fermement (1) "Je dois bien agir et être approuvé, autrement je suis une personne sans valeur", (2) "Vous devez agir à mon égard avec considération et justice, autrement vous êtes des misérables" et (3) "Le monde doit me pourvoir de tout ce que je veux rapidement et facilement, autrement cela est terrible et horrible! " Si vous abandonnez — et je veux dire si vous abandonnez des milliers de fois — vos propres obligations irrationnelles, ce qui comprend "Je dois aider mes amis névrosés, autrement je suis un bon à rien" vous aurez plus de facilité à encourager et à amener les "névrosés" à abandonner leurs propres obligations.
Laissez-moi vous demander une fois de plus : relèverez-vous ce grand défi ?